Yves Tsala : « FAP doit améliorer son adresse à trois points »

Yves Tsala : « FAP doit améliorer son adresse à trois points »

Expert de la boule orange, il donne les clés de la réussite au représentant camerounais qui affrontera REG en quart de finale des play-offs de la BAL prévus du 21 au 28 mai prochain à Kigali. Le président de la Ligue régionale de basketball du Centre analyse les forces en présence et se prononce sur la participation des jeunes camerounais de la «NBA Academy Africa» à l’édition 2022 de la BAL.

Dans quel état d’esprit FAP devrait-il aborder les play-offs qui débutent le 21 mai prochain à Kigali ?

Ce sont des matchs couperet: win or go home. Tu gagnes, tu continu. Tu perds, tu es éliminé. Pour ce type de match, il n’y a pas de baisse de régime à avoir. Ce sont des matchs pleins et cela, dès le début. Ce qui signifie qu’il ne faut pas laisser l’écart se creuser. FAP doit être agressif comme d’habitude. Etre dur en défense afin d’empêcher l’équipe adversaire d’aller à 80 points. Ce sera l’objectif à atteindre pour FAP. En plus de la défense, il faudra prendre soin du ballon : éviter les pertes de balles. Et, après, en attaque, marquer. Pour cela, il faudra que FAP retrouve une fluidité offensive. La première de chose sera de jouer en transition. FAP joue avec trop de retenue, pose trop le ballon. Toutes choses bonnes. Toutefois, ça limite les opportunités de jeu parce que les attaques posées sont les plus difficiles quand la défense est placée et qu’elle défend bien.

Comment s’y prendre alors ?

Maximum d’attaques en transition pour marquer rapidement, avant que la défense ne soit placée. Surtout, savoir exploiter des joueurs qui ont des atouts comme Almeida avec qui le shoot est pratiquement assuré lorsqu’ils sont seuls. On peut prendre ces risques-là. Or, les offensives posées ne garantissent pas toujours la circulation fluide du ballon, l’extra passe, la passe supplémentaire qui permet de trouver les shooters. Quand bien même ce serait le cas, il faut que ces derniers marquent. A ce sujet, FAP doit améliorer son adresse, notamment celle à trois points qui était exécrable. Il faut améliorer son taux de réussite, ainsi que les lancers-francs.

Effectivement, quels seraient, d’après vous, les clés de la réussite des FAP dans ce tournoi final ?

Une équipe qui veut gagner ce genre de match doit être à 70-80% de réussite de ses lancers-francs. C’est ce que font Zamalek et Petro. Pour être de la trempe de ces clubs-là, dans le Final Eight, il va falloir élever son niveau d’adresse, notamment aux lancers-francs. En somme, c’est un match durant lequel il faudra garder la même intensité tout au long de la rencontre. Ce qui signifie que les titulaires, tout comme les remplaçants, doivent rester au top. Il ne faudrait pas que le niveau de jeu baisse dès lors que le cinq entrant est sorti. Les points qui sont pris à ce moment-là peuvent être difficiles à rattraper.

Avoir un effectif solide, des joueurs capables de remplacer au pied levé ceux qui sortent : voilà, pour moi, les clés de la réussite dans ce tournoi où il va falloir gagner déjà le quart de finale pour pouvoir continuer. Et atteindre l’objectif de base qui est de figurer dans le dernier carré.

François Enyegue doit-il continuer avec le même effectif pour les play-offs ?

C’est effectivement la question que l’on peut se poser. Et pas que ! Qu’elle est la marge de manouvre du coach et son staff ? Pas beaucoup, puisque la règle autorise qu’on puisse effectuer un seul renfort entre les deux phases [la saison régulière et les Play Offs, NDLR]. Et ce renfort devrait être un joueur qui n’a pas pris part à la saison régulière. Du coup, on peut dire que FAP aura à 90% son effectif parce que les marges de manœuvre ici sont limitées. Juste un renfort à pouvoir utiliser, certes, mais aussi la possibilité de changer parmi son roster interne, c’est-à-dire les joueurs locaux qui étaient déjà enregistrés du côté de la BAL. Il y a des joueurs qui n’étaient pas à la saison régulière, mais qui auraient, peut-être, pu figurer.

«…FAP disputera les play-offs avec, quasiment, le même effectif que lors de la saison régulière. »

On parle beaucoup d’Yves-Louis Ngaransou, un joueur qui était là à la première édition de la BAL…

Cette année, il a eu quelques difficultés et les coaches ne l’ont pas sélectionné pour aller du côté du Caire [la capitale égyptienne a accueilli la Conférence NIL du 9 au 19 avril 2022, au Hassan Indoor Sports Complex, NDLR]. Mais, entre-temps, il s’est remis en cause. Et dans le Final Four qui a suivi en championnat local, il a été un des joueurs majeurs des FAP avec, aussi, l’idée de convaincre ses coaches qu’il méritait d’être retenu pour la BAL. Un tel joueur peut faire son entrée dans le roster pour Kigali. Mais on voit bien que la marge de manœuvre est limitée. Il pourrait avoir deux, voire maximum trois changements. Soit un quart de l’effectif, trois joueurs sur douze. Sans compter Chomche, le 13ème joueur du programme de la BAL. Donc, la marge est limitée. On peut donc affirmer que FAP disputera les play-offs avec, quasiment, le même effectif que lors de la saison régulière.

Penchons-nous maintenant sur le renfort éventuel. Si FAP se décidait à utiliser ce joker, ce serait quel profil de joueur et pour quel compartiment ?

En réalité, le besoin est de tous les côtés. Il revient à FAP d’arbitrer sur ce qui constitue sa priorité. Ce pourrait être un joueur de l’intérieur. Ce qui est le point de vue de certaines personnes, dans le staff de FAP, qui pensent qu’on doive renforcer l’intérieur avec un joueur plus fiable. Leurs arguments : les intérieurs actuels de l’équipe ne sont véritablement pas une grande menace offensive. Pourtant, ils ont besoin d’avoir un intérieur qui marque pour fixer la défense à l’intérieur, de telle sorte que lorsqu’il y a prise à deux sur le joueur, les shooters soient plus à l’aise. Ce serait une priorité d’avoir un tel joueur à l’intérieur.

Aussi à l’intérieur parce que les pourcentages de shoots marqués près du panier sont toujours plus élevés. Et un joueur intérieur dominant, c’est toujours un bonus en attaque. On va dire que la priorité des FAP se trouve dans un renfort intérieur qui pourrait amener tout ce plus. Maintenant, la grande difficulté est de savoir si FAP dispose des moyens pour pouvoir  prendre un joueur de grande qualité dans un intervalle aussi court ? C’est là que se trouve la vraie question.

A défaut, et suivant votre raisonnement, l’autre option serait alors un renfort sur les postes extérieurs…

Là, se serait davantage un shooter pour apporter plus de scoring, vue que l’adresse des FAP était quelque peu en berne durant la saison régulière. Et que, dans ces tournois-là, dans les défenses de zone, ou dans d’autres points, l’on a davantage besoin de shooters ; surtout lorsqu’Almeida est particulièrement ciblé. Une autre vrai menace extérieure pourrait être un plus pour FAP. C’est également là une option. Après, l’arbitrage peut se faire au niveau de la disponibilité des joueurs dans ces différents compartiments et sur les conditions que ceux-ci pourraient accepter, compte-tenu du budget de participation des FAP. A mon humble avis, il faut clairement profiter de cette option pour renforcer l’équipe afin qu’elle soit encore plus consistante.  

Que devrait-on savoir de Rwanda Energy Group (REG), l’adversaire des quarts de finale des FAP …

Nous avons vu évoluer REG dans la poule du Sahara. C’est une équipe qui a surpris tout le monde et est parvenue à se hisser sur le toit de cette poule-là. Qu’est-ce que nous avons vu comme forces ? Un secteur extérieur très solide autour de trois joueurs majeurs. Tout d’abord Adonis Filer, le meneur de jeu à la double nationalité américano-rwandaise. C’est l’homme à tout faire de cette équipe du REG dans la construction du jeu. Il est très complet. Bon défenseur, il est extrêmement adroit aussi et organise bien le jeu. Ce sera un des joueurs à cibler. A côté de lui, il y a l’Américain Kennedy, qui est un joueur très important dans le dispositif du REG. C’est un shooter fiable à qui il ne faut pas laisser un ou deux centimètres.

«…la grande force du REG est d’abord dans ses joueurs extérieurs. »

A côté de ces deux joueurs-là, chez les extérieurs, il y a Jean-Jacques [Nshobozwabyosenumukiza, Ndlr], un Rwandais petit par la taille, mais grand par les prouesses. Il est très talentueux, très bon défenseur mais, surtout, un joueur adroit qui n’a pas froid aux yeux pour prendre les tirs décisifs. Il a été l’artisan des victoires du REG à la dernière seconde. Ces trois joueurs sont de véritables dangers. Mais la grande force du REG est d’abord dans ses joueurs extérieurs.

Et le jeu des intérieurs ?

Avec les renforts, l’intérieur aussi n’est pas mal. Il y a l’Américain Anthony Walker qui est un joueur extrêmement athlétique. Il finit les attaques avec des dunks spectaculaires. Il a une très belle détente verticale qui aide pour l’attaque et aussi pour la défense. Même si ce n’est pas un joueur particulièrement talentueux sur le jeu d’attaque, de hauts paniers, de pivot, c’est un très bon finisseur quand il reçoit les petits ballons.

Il y a un autre renfort à l’intérieur : le vétéran congolais Pitchou Kambuy Manga, qu’on connait bien. Il est très utile, très grand. Dans son envergure, en défense, il gêne énormément. Et en attaque, il est capable de mettre les petits shoots et terminer vite en transition. Son problème : les fautes. Il en prend très rapidement et donc, met vite son équipe en difficulté.

Après, il y a d’autres joueurs à suivre : Dieudonné Ndizeye, international rwandais gaucher, qui est très efficace. Il est grand de taille, mais possède un super shoot extérieur. Il est bon défenseur. C’est un joueur complet. Alex Mpoyo, l’autre renfort, ne fait pas beaucoup de vague. Mais il est très utile dans le jeu. Ce sont eux qui vont être surtout les joueurs à surveiller.

Si on parlait en termes de forces, qu’elles sont celles reconnues à l’équipe de REG ?

Elle a une adresse extérieure très forte. C’est une équipe qui prend feu lorsqu’elle est en confiance. Et là, elle peut faire très mal. Surtout à domicile ! Et, avec la levée des restrictions, il y aura dix mille personnes au Kigali Arena qui vont pousser cette équipe qui peut s’enflammer. C’est là la grande force du REG. Il y a ensuite les drives qui peuvent permettre de petits ballons à Walker, pour la finition.  

Et les faiblesses ?

C’est une équipe qui repose sur des individualités. Il n’y a pas un grand fond de jeu collectif comme on peut en avoir chez Monastir, Petro ou encore chez Zamalek ; des équipes qui font tourner le ballon avec pleins de fondamentaux collectifs. Alors qu’au REG, on a beaucoup d’individualités qui veulent faire la différence. Et, forcément, c’est une force quand ça marche. Mais cela s’avère être une faiblesse lorsque la défense adversaire esttrès dure sur ces individualités-là. C’est la raison pour laquelle on disait que FAP préférait rencontrer REG que Monastir parce qu’avec son ADN tactique, le jeu défensif, il est plus facile de défendre sur ces joueurs qui comptent sur les talents individuels que sur des forces collectives ; des personnes qui tournent le ballon pour shooter à la limite des 24 secondes. C’est très éprouvant pour les défenses. Alors que là, avec le REG, on a des joueurs qui veulent faire la différence individuelle. Et, pour les défenseurs, c’est préférable. C’est cela qui constitue une des faiblesses de cette équipe rwandaise sur lesquelles FAP va essayer de surfer. Une défense dure contre ces joueurs-là. Après, il faudra essayer de provoquer les fautes.

«…je partirais sur un 50/50 entre REG et FAP ; sachant que cela va se jouer sur des détails. Et l’équipe qui va le mieux les gérer pourra l’emporter.»

Le quart de final REG-FAP : quelles seront, d’après vous, les chances de l’une et l’autre équipe ? Sur quel (s) aspect(s) pourrait se faire la différence ?

Dans ce match-là, REG part favori. Premiers de la Conférence Sahara, les Rwandais vont jouer contre le quatrième de la Conférence NIL. Ils évoluéront en plus à domicile. Forcément, la saison régulière compte. Et par rapport à ça, on va se dire que le REG est favori dans ce quart de finale. Toutefois, FAP a grandement sa carte à jouer. D’abord parce que l’on a dit que REG a forcément gagner tous ses matchs. Mais, très souvent, s’était au buzzer. Avec son style de jeu, FAP peut mettre le REG en difficultés. Du coup, je partirais sur un 50/50 entre REG et FAP ; sachant que cela va se jouer sur des détails. Et l’équipe qui va le mieux les gérer pourra l’emporter.

Quels  seraient ces détails?

Lorsque je parle de détails, je fais allusion aux pertes de balles et aux lancers-francs qui vont être clés. Il y a également la gestion des morney time, les dernières secondes, qui sera déterminante. Après, tous les joueurs se connaissent. Il y aura des systèmes pour les contrecarrer. Il reviendra aux joueurs des FAP d’être imaginatif pour contourner leurs adversaires. Ce match risque être le quart de finale le plus serré.

Outre FAP, le Cameroun a un autre représentant à l’édition 2022 de la BAL, le jeune Charles Loïc Onana Awana. Il prend part à la compétition avec l’Union Sportive Monastir dans le cadre du programme «BAL Elevate». D’après-vous, a-t-il des chances de s’épanouir dans ce groupe d’un niveau assez relevé comme son compatriote et coéquipier de la NBA Academy Africa, Ulrich Chomche avec les FAP ?

C’est beaucoup plus difficile pour Charles Loïc Onana Awana que pour Ulrich Chomche. Ulrich se retrouve chez les Camerounais et, l’intégration, avec vos compatriotes, est toujours beaucoup plus facile. On connait son coach formateur avec qui on a parlé, on connait ses qualités… Avec tout cela, l’intégration va beaucoup plus vite. D’autant plus que ces jeunes joueurs ne rejoignent pas les équipes dès le début, mais plutôt au milieu de la compétition. Donc, il y a peu de jours pour pouvoir s’intégrer avec les autres, intégrer le système… Ce qui est compliqué. Par contre, c’est plus facile, lorsque vous êtes du même pays. L’intégration se fait plus facilement. Pour Charles Loïc, c’est beaucoup plus compliqué. Il est avec l’US Monastir qui possède de joueurs très expérimentés et talentueux. Du coup, ce n’est pas du tout évident.

Barré par plus expérimenté et talentueux, comment devrait se prendre Charles Loïc pour s’exprimer comme son coéquipier des FAP ?

Ulrich a pu plus facilement s’imposer parce qu’il y a eu des défaillances à son poste. Naturellement, il a eu plus de temps de jeu pendant la saison régulière. Alors que pour Charles Loïc, à Monastir, c’est plus difficile, notamment avec la présence d’un acteur majeur qui est le Libano-sud-soudano-australien. Il est au top de sa carrière et a énormément progressé depuis la première édition de la BAL. Et, cette année, il est au sommet. Lui, avec les autres intérieurs tunisiens qui sont en équipe nationale, sont très importants à Monastir. A la limite, Loïc joue dans les trois minutes du cahier de charges de la BAL. Il est difficile, pour lui, d’avoir plus de temps de jeu. Mais, il faudrait que ces trois minutes là, il les joue à fond et qu’il essaie de convaincre dans cet intervalle pour gagner davantage de minutes.

Entretien mené par Bertille MISSI BIKOUN

Bertille Missi Bikoun

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